C’est fait. Le confinement a commencé.
Pour combien de temps ? On parle de 30, 45, 50 jours. Qui le sait ? Ces chiffres paraissent abstraits. Abstraits, comme l’a été longtemps la menace de ce virus, dont le nom semblait forgé par une ligue antialcoolique afin d’incriminer la bière mexicaine. Le week-end dernier, l’esprit gaulois défiait d’ailleurs sa propagation en buvant des coups à la terrasse des bistrots.
Il est surprenant de constater à quel point en quelques jours, quelques heures seulement, le monde peut changer. Je parle du monde réel, palpable, celui dont nous sommes le centre, ou qui se déplace avec nous. Celui que nous éprouvons à notre échelle personnelle, concrète, sensible. Le monde désormais réduit à son ultra-localité, au périmètre irréductible de notre corps, de notre pensée et de l’interaction immédiate avec autrui. Autrui qu’il s’agit d’éviter, de tenir à distance. Pour se protéger. Pour le protéger.
L’ultime choix que nous avons eu, que nous avons pu faire est celui du lieu de confinement. Malheureusement, nous n’avons pas toujours pu choisir avec qui (ou sans qui) rester confiné. Pour ma part, père divorcé, je devais retrouver ma fille quelques jours auparavant. Craignant la contagion, sa mère a préféré la garder sous son toit. Même s’il est convenu que nous pourrons ma fille et moi nous parler au téléphone dès que nous le souhaitons, multiplier les « face time » ou les « skype », l’idée de ne pas la voir pour de vrai, de ne pas partager une réalité géographique, physique, intime, me plonge dans le désarroi. La terreur. Je ne le mesure pas, je ne me le représente pas encore. 30, 45, 50 jours…
Mon confinement sera donc solitaire.
J’aime la solitude. Elle m’est nécessaire, comme à tous ceux qui écrivent. Mais la solitude choisie, l’oratoire secret, la matrice du désir, la chambre d’écho du rapport à l’autre, aux autres. Cette solitude-là est pleine. Aujourd’hui, j’ai peur du vide. Du manque. Ma fille me manque et tout est dépeuplé.